Nora ANSELL-SALLES

lundi 19 novembre 2012

dnf - consensus autour de l'activité libérale à l'hôpital ?


Certains universitaires connus pour réclamer la suppression de l’activité libérale à l’hôpital public ont publié en avril dernier un texte dans la rubrique Idées du journal le Monde. Ce sont les « Professeurs Jacques Belghiti, chirurgien Beaujon ; Marie Germaine Bousser, neurologue Lariboisière ; François Bricaire, infectiologue Salpêtrière ; Dominique Elias, chirurgien Institut Gustave Roussy ; André Grimaldi, Diabétologue Pitié ; Olivier Lyon-Caen, neurologue Salpêtrière ; Josy Reiffers, directeur général de l'Institut Bergonié de Bordeaux ; Jean Paul Vernant, hématologue Pitié Salpêtrière ». La raison finissant par l’emporter sur la passion, ces collègues admettent que cette activité libérale sera maintenue (« Même si l'activité privée hospitalière ne semble pas devoir être supprimée de sitôt, il importe d'urgence de la moraliser », écrivent-ils).

 

Que réclamaient ces éminents spécialistes en conclusion de leur tribune ?

« C'est pourquoi nous sommes de nombreux médecins hospitaliers à demander que cette activité privée soit limitée, encadrée et transparente (tout comme d'ailleurs les travaux privés réalisés pour l'industrie ou pour des expertises). » C’était déjà le cas, l’activité libérale à l’hôpital étant la SEULE activité à être encadrée et contrôlée. On attendrait que toutes les autres le soient (l’énumération de nos collègues est incomplète puisqu’elle ne comporte ni l’activité publique, ni les activités d’intérêt général, ni les activités politiques ou syndicales, etc.). On attendrait aussi que les éventuels abus auxquelles ces autres activités pourraient donner lieu (on ne sait jamais) soient eux aussi réprimés.

« Il faut mettre fin à l'arbitraire du "tact et de la mesure" relevant d'un paternalisme médical d'un autre âge et instaurer des tarifs plafonnés. » C’est désormais le cas depuis la signature récente de l’avenant n°8 à la convention (voir texte ci-joint), lequel met justement en place un encadrement des honoraires. Les modalités d’application à l’hôpital public en seront précisées par la mission sur « le régime des honoraires et de l’activité libérale à l’hôpital public » confiée par madame Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé, à madame Dominique Laurent, conseillère d’Etat, laquelle vient de commencer ses travaux (voir lettre de mission ci-jointe).

« Il serait souhaitable que le contrôle de cette activité se fasse de façon indépendante avec la participation des représentants des associations de patients et des usagers. » C’était déjà le cas puisque chaque commission d’activité libérale, où les médecins sont minoritaires (4 membres sur 9), comporte obligatoirement parmi ses membres un représentant des usagers (voir Article R6154-12 du Code de la santé publique). Ainsi, par exemple, le président de la commission d’activité libérale de l’hôpital de Vannes est un représentant des usagers. Ce dernier est d’ailleurs membre de la mission Laurent.

Bref, tout ce que souhaitaient Belghiti et al. était déjà partiellement en place lorsqu’ils ont écrit leur texte, et l’est totalement aujourd’hui.

Plus généralement, il faut se garder des simplifications abusives. La question des « dépassements d’honoraires » ne peut être confondue avec celle de l’accès aux soins, comme on a trop tendance à le faire, à commencer par madame Marisol Touraine dans sa lettre de mission à madame Dominique Laurent. Les médecins exerçant une activité libérale à l’hôpital le font dans leur grande majorité au tarif opposable : 4500 praticiens hospitaliers ont une activité libérale (11% des effectifs), dont 2600 appliquant le tarif conventionnel (secteur 1) et 1900 en secteur à honoraires « libres » (secteur 2). De plus, l’accès aux soins au tarif opposable est-il plus rapide et plus large auprès des praticiens n’ayant pas d’activité libérale ? Il n’a jamais été apporté de réponse à cette question, pourtant fondamentale. Enfin, en raison du numerus clausus imposé à l’entrée en deuxième année des études médicales par les gouvernements successifs depuis 1971 et qui vient d’être augmenté avec beaucoup de retard, le choc démographique que nous subissons déjà et qui va se faire sentir de façon beaucoup plus criante dans les années à venir, met gravement en péril l’accès aux soins, beaucoup plus que les excès constatés dans les pratiques tarifaires. L’arbre ne doit pas cacher la forêt.

Participant avec un mandat de la Conférence des présidents de CME de CHU à la première séance organisée par madame Dominique Laurent dans le cadre de sa mission, j’ai observé que PERSONNE parmi les présents, ni les représentants de l’administration (ministère, ARS, hôpitaux), ni ceux de la FHF, ni ceux des médecins (avec ou sans activité libérale), ni ceux des usagers, n’a remis en cause l’activité libérale à l’hôpital.

Nous sommes donc désormais devant un certain consensus, pour ne pas dire un consensus certain, sur deux points : il faut préserver l’activité libérale à l’hôpital, facteur d’attractivité des carrières hospitalières, qui sont de plus en plus sinistrées, mais aussi réprimer efficacement les rares abus dont elle fait l’objet.

La position de nos collègues Belghiti et al. rejoint celle du Mouvement de défense de l’hôpital public (voit texte ci-joint, base de notre rencontre avec la ministre des Affaires sociales et de la Santé mercredi prochain, et dont les signataires représentent très largement la communauté médicale hospitalière). C’est aussi la position des praticiens exerçant une activité libérale à l’hôpital public, qui se sont exprimés clairement dans ce sens par l’intermédiaire de leur syndicat à la fois auprès du Gouvernement et du Parlement.

Tout le monde s’accorde aussi pour dire que la volonté de sanctionner les abus fait défaut de la part de l’administration et de la Sécurité sociale, qui en ont pourtant une parfaite connaissance. Nous verrons si cette regrettable carence persiste, les textes encadrant l’activité libérale dussent-ils être modifiés ou non.

Bernard Granger.

 

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