Nora ANSELL-SALLES

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mardi 18 octobre 2016

Académie de Médecine : 18 /10/2016

VU POUR VOUS


Pathologie cardiovasculaire et sexe féminin



Pr André VACHERON
Cardiologue
Ancien président de l'Académie nationale de médecine
Membre de l'Institut



Le risque cardiovasculaire chez la femme est encore trop souvent ignoré ou sous estimé, alors que l’infarctus myocardique tue plus que la cancer du sein. En vertus du dogme de la protection de la paroi artérielle par ses œstrogènes, la femme se croit à l’abri de l’athérosclérose. Mais la protection hormonale a des limites face à la progression des facteurs de risque athérogènes : tabagisme, hypercholestérolémie, surpoids, obésité, diabète, sédentarité, stress professionnels, avec des rythmes de vie éprouvants.
Depuis une trentaine d’années, on observe une augmentation régulière du tabagisme chez les jeunes femmes et les adolescentes. Une consommation quotidienne de cigarettes, même modérée, multiplie par 3 le risque cardiovasculaire. Avant 50 ans, plus d’un infarctus myocardique sur deux chez la femme est lié au tabac. Avant 35 ans et plus encore après, l’association tabac-pilule contraceptive augmente significativement le risque d’infarctus myocardique et d’infarctus cérébral. L’arrêt total du tabac réduit de 33% le risque vasculaire au bout de deux ans. La contraception œstro-progestative doit être évitée chez les femmes hypertendues, surtout si l’hypertension est mal contrôlée, ainsi que chez les femmes ayant des antécédents d’accidents thromboemboliques, veineux ou artériels.
Une méta-analyse de Taulent MUKA de Rotterdam, publiée en ligne dans le JAMA Cardiology (14/09/2016) indique que les femmes ménopausées avant 45 ans, ont un risque de maladie coronaire augmenté de 50%, comparé à celui des femmes ménopausées plus tard vers 51 ans. L’étude de Framingam a démontré que l’hypertension artérielle et l’hypercholestérolémie étaient souvent associées à la précocité de la ménopause. C’est dire l’importance, d’une détection et d’une prise en charge précoces des facteurs de risque artériel chez la femme.

Cette séance thématique proposée et construite par Jean-Paul BOUHOURE, comporte quatre communications :

·         La première présentée par Claire MOUNIER-VEHIER, Professeur de Médecine Vasculaire au CHU de Lille et Présidente de la Fédération Française de Cardiologie, est consacrée aux hypertensions de la grossesse et au devenir maternel.
·         La seconde prononcée par le Professeur Christian SPAULDING, Professeur de Cardiologie à l’Hôpital Européen Georges Pompidou (HEGP), est consacrée à la maladie coronaire chez la femme. Christian SPAULDING est l’un des meilleurs spécialistes de l’angioplastie coronaire en France.
·         La troisième, consacrée à l’insuffisance cardiaque chez la femme, sera prononcée par le Professeur Yves JULLIERE du CHU de Nancy, qui a présidé la Société Française de Cardiologie en 2014 et 2015.
·         La quatrième consacrée aux risques cardiovasculaires de la contraception chez la femme, sera prononcée par le Professeur Sophie-Christine MAITRE, collaboratrice de notre collègue, Philippe BOUCHARD, qui a dû se déplacer à l’étranger.


Risque cardiovasculaire de la contraception chez la femme





Sophie Christin-Maitre et Philippe Bouchard 

Service d’Endocrinologie, Hôpital Saint Antoine, AP-HP, Université Paris VI




La première contraception estroprogestative (EP) a vu le jour en 1960 (Enovid). Les premiers cas de phlébite et d’embolie pulmonaire sous EP ont été publiés dès 1963. Afin de diminuer le nombre d’évènements cardiovasculaires, la dose d’éthinyl estradiol (EE) a été progressivement diminuée, passant d’un équivalent de 150 microgrammes par comprimés dans Enovid à 50 puis 35, 20, 15 et 10 µg pour la dose la plus faible, disponible à l’heure actuelle. En parallèle, différents progestatifs, ayant moins d’activité androgénique ont été utilisés. Les progestatifs successifs sont classés en 1ère, 2ème (lévonorgestrel et norgestrel) et 3ème génération (gestodène, norgestimate et désogestrel). Le terme de 4ème génération a été utilisé récemment et regroupe des molécules très diverses, appelées « nouveaux progestatifs » telles que la drospirénone, l’acétate de chlormadinone ou le dienogest. Le type du progestatif contenu dans la pilule EP donne la génération de la pilule. La contraception EP est la méthode de contraception la plus utilisée en France chez les femmes jeunes du fait de sa bonne efficacité et de sa simplicité d’usage. Dans la balance bénéfice-risque d’une pilule EP, il est nécessaire de considérer le risque veineux d’une part et le risque artériel, d’autre part.
Le risque relatif veineux de phlébite et d’embolie pulmonaire est 2 à 6 fois plus élevé sous contraception EP que chez les non utilisatrices. Cependant, en risque absolu, ce risque est faible, puisqu’il est de 2-4/ 10 000 années femmes (AF) chez les non utilisatrices, 4-6/ 10 000 AF chez les femmes utilisant une pilule de 2ème génération et 6-8/10 000 AF chez les femmes utilisant une pilule de 3ème génération ou contenant de nouveaux progestatifs. Il est important de comparer ces chiffres au risque veineux lors de la grossesse (5-20/10 000 AF) et en postpartum (40-65/10 000 AF). Les dernières études montrent la nécessité de prendre en compte l’association entre la concentration en estrogènes et le type du progestatif. Ainsi, la classification selon les générations de pilule est probablement devenue obsolète. Les autres facteurs de risque veineux à prendre en considération sont l’âge supérieur à 35 ans, l’obésité et les antécédents familiaux de thrombose. Le dépistage des anomalies congénitales de la coagulation, avant la mise sous pilule, n’est pas recommandé.
Les risques artériels d’accident vasculaire cérébral ou d’infarctus sont exceptionnels car il est 5 à 10 fois plus faible que le risque veineux. Ils ne diffèrent pas entre les pilules de 2ème, 3ème ou nouvelle génération. Les accidents surviennent surtout chez les femmes ayant une hypertension artérielle, des migraines avec aura, en cas de tabagisme ou d’obésité après 35 ans. Les contraceptions progestatives pures n’augmentent pas le risque cardiovasculaire mais elles sont souvent moins bien tolérées que les pilules EP.
En conclusion, les contraceptions EP représentent une avancée majeure pour les femmes, et les couples afin d’éviter des grossesses non désirées. Leur principal risque, statistiquement, est le risque veineux qui reste faible et peut être évité dans plus de 50% des cas, en cas de respect des recommandations de prescription. Ainsi, la prévention auprès des patientes et des médecins représente une étape majeure. L’avenir en contraception repose sur des molécules tout aussi efficaces ayant un risque vasculaire encore plus faible.



Insuffisance cardiaque et sexe féminin



Yves Juillière.
Département de Cardiologie, Institut Lorrain du Cœur et des Vaisseaux, CHU Nancy-Brabois, Vandoeuvre-les-Nancy




L’auteur déclare ne pas avoir de conflit d’intérêt concernant le contenu de cet article.


L’insuffisance cardiaque présente des particularités différentes selon le sexe. Ces disparités se caractérisent par une prévalence plus élevée selon l’âge et une morbi-mortalité moindre chez la femme que chez l’homme. Les étiologies diffèrent avec des particularités propres liées à la grossesse. Le statut hormonal pourrait expliquer ces différences. Des différences existent également en termes de traitement. Cependant, les recommandations internationales doivent s’appliquer, même si la validation de ces recommandations se fait à partir d’un pourcentage faible de femmes participant aux grands essais randomisés.

Introduction
L’insuffisance cardiaque (IC) est une pathologie grave, sévère et couteuse. Certaines différences font ressortir l’importance du sexe féminin dans cette pathologie. Tout d’abord, la femme présente des caractéristiques anatomiques cardiaques qui lui sont propres. Ainsi, le cœur féminin possède des cavités ventriculaires plus petites et une masse ventriculaire plus faible que celui des hommes, même lorsque les mesures sont rapportées à la surface corporelle (1). Ensuite, le vieillissement de la population est très marqué dans nos sociétés industrialisées où il existe une proportion toujours plus forte de patients âgés, phénomène qui ne va qu’en s’accentuant avec une prédominance féminine qui s’élève au fil des tranches d’âge considérées. Les prédictions de l’O.C.D.E. en 2015 font état d’une espérance de vie en France de 85,6 ans pour les femmes alors qu’elle n’est que de 79 ans pour les hommes (2). Enfin, l’amélioration de la prise en charge des pathologies cardiovasculaires dans nos pays est liée à une meilleure prise en compte de la gestion des facteurs de risque associée à des traitements de plus en plus efficace. Cela a pour corolaire une diminution très nette de la mortalité cardiovasculaire, notamment en France (3), ce que l’on retrouve autant chez les hommes que chez les femmes, même si elle est plus importante chez les hommes. De ce fait, la France comme l’ensemble des pays industrialisés, voit sa population vieillir avec une proportion de personnes âgées de plus en plus féminine. C’est dans ce contexte que l’IC se développe, fruit de l’interaction entre de nombreuses étiologies et de nombreuses comorbidités pour aboutir à des atteintes de la fonction cardiaque entraînant soit une IC systolique soit une IC à fonction systolique préservée, l’ensemble étant aggravé par sa survenue chez des patients atteints de cardiopathies anciennes ou avec un cœur sain mais vieillissant (4).





Epidémiologie
L’IC est une maladie grave dont la mortalité est supérieure à celle de nombreux cancers tant chez l’homme que chez la femme (5). La prévalence de l’insuffisance cardiaque augmente avec l’âge pour devenir extrêmement importante au-delà de 80 ans, concernant alors plutôt la femme que l’homme (6).
En 2013 en France, la moyenne d’âge des patients IC est de 78 ans et il existe une petite prédominance féminine de 51 à 52 % (7). Cette prédominance féminine se retrouve autant dans l’IC aiguë ou l’IC chronique. Sur un échantillon de près de 70 000 patients hospitalisés pour la première fois pour IC en France en 2009 (moyenne d’âge de 79 ans) (8), on constate une incidence augmentant de façon extrêmement importante avec l’âge, cette incidence étant toutefois supérieure chez l’homme. La mortalité en cours d’hospitalisation ou dans les 30 jours qui suivent la sortie d’hôpital est de 10 % chez les femmes, 6 % durant l’hospitalisation et 4 % dans les 30 jours après la sortie. Les ré-hospitalisations de toutes causes durant le premier mois concernent 16,7 % des femmes (8). Dans tous les cas, hommes ou femmes, la mortalité globale apparaît largement supérieure lorsqu’on la compare à celle des patients non IC (9). Toutefois, cette mortalité globale demeure discrètement moins élevée chez les femmes que chez les hommes. Néanmoins, si l’on regarde l’évolution de la mortalité globale des patients IC au fil des années en France, on constate une diminution régulière, passant de 41,3% en 2000 à 28% à 2010 chez la femme (courbe de diminution identique chez l’homme) (10). Le problème de santé publique actuel demeure néanmoins le fait que le nombre d’hospitalisations tend à augmenter, cette augmentation étant surtout le fait des ré-hospitalisations après une première hospitalisation pour IC. (11) L’IC atteint également la qualité de vie des patients survivants avec cependant un ressenti qui reste toujours meilleur chez la femme que chez l’homme (12).

Physiopathologie 
Afin d’expliquer les différences qui existent entre l’homme et la femme dans le domaine de l’IC, on se tourne volontiers vers le rôle des hormones sexuelles, androgènes pour l’homme et œstrogènes pour la femme. Ces hormones auraient des effets systémiques avec parfois une prédisposition néonatale, et des effets directs sur les cellules cardiaques pour aboutir à des modifications au niveau des mastocytes, des fibroblastes, des cardiomyocytes et des cellules immunitaires (13). Le rôle des œstrogènes serait globalement cardioprotecteurs avec des effets vasodilatateurs, anti-apoptotiques et de limitation des principales hormones vasoconstrictives (13). A l’opposé, les effets connus de la testostérone sont plutôt opposés et délétères avec hypertrophie, apoptose, inflammation myocardique et augmentation de facteurs immunitaires et fibrotiques (14).

Etiologies
Les femmes comme les hommes ont un risque de développer une IC secondairement à toutes les cardiopathies connues. Toutefois, des causes peuvent être retrouvées plus fréquemment chez la femme : hypertension artérielle, dysthyroïdie, diabète, obésité, valvulopathies et une certaine sensibilité à l’ischémie myocardique (15). Les femmes peuvent présenter des formes particulières de cardiopathies : cardiopathies liées au chromosome X, cardiomyopathie du péripartum, cardiomyopathie de Tako-Tsubo, ou cardiomyopathie toxique avec une forte sensibilité à l’alcool ou aux antracyclines (16). Néanmoins, la femme présente une mortalité globale moindre que celle de l’homme sans influence de l’étiologie ischémique. De même, ce risque moindre se retrouve, quel que soit le niveau de fraction d’éjection ventriculaire gauche ou l’âge (17).
Il n’empêche que l’IC à fraction d’éjection préservée et l’insuffisance cardiaque post-hypertensive sont plus fréquemment retrouvés chez la femme alors que l’étiologie ischémique ou l’étiologie diabétique est plus souvent le fait de l’homme (18).



Insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée
L’IC à fraction d’éjection préservée est liée à l’hypertension, au vieillissement mais aussi à certains facteurs de risque comme l’athérosclérose et le diabète. Il s’avère que ces éléments sont souvent présents chez la femme, ceci expliquant pourquoi cette pathologie concerne plus fréquemment le sexe féminin (19). Au-delà de 45% de fraction d’éjection ventriculaire gauche et quel qu’en soit la valeur, on retrouve une prédominance féminine certaine (20). L’analyse des données des registres de populations européennes ou américaines donne les mêmes résultats : l’IC à fraction d’éjection préservée concerne les patients âgés, plus volontiers des femmes, avec plus d’hypertension artérielle et de fibrillation atriale et moins de cardiopathie ischémique et de diabète (21,22). La mortalité demeure plus faible dans l’IC à fraction d’éjection préservée (23).

Grossesse
La grossesse modifiant l’hémodynamique cardiaque et vasculaire, les femmes atteintes d’IC sont prédisposées à développer des complications lorsqu’elles sont enceintes. Ces complications peuvent être d’ordre cardiaques pour la mère elle-même mais aussi néonatales pour le fœtus. On retrouve aussi un risque accru d’hypertension induite par la grossesse et d’hémorragie du post-partum (24).
Dans ce contexte particulier qu’est une grossesse, il est possible de voir apparaître une cardiomyopathie du péripartum (25). Il s’agit d’une forme non familiale d’IC du péripartum caractérisée par l’apparition d’une cardiomyopathie dilatée idiopathique liée à une dysfonction systolique ventriculaire gauche survenant habituellement dans les 3 derniers mois de grossesse ou dans les 6 mois suivant l’accouchement, alors qu’aucune autre cause d’IC n’est présente. L’incidence est importante dans les pays africains (1/100 à 1/1000 accouchements) et est en voie d’accroissement dans les sociétés industrialisées (aux Etats-Unis, on note un chiffre de 1/4300 accouchements en 1993 passant à 1/2200 en 2002) (25).
C’est une pathologie qui régresse volontiers dans les 6 mois suivant le diagnostic. D’ailleurs, la fréquence de l’amélioration est plus importante dans le cas d’une cardiomyopathie du péripartum que chez les femmes présentant des cardiomyopathies non liées au péripartum ou dans les cardiomyopathies dilatées atteignant les hommes (14). La mortalité reste une mortalité peu sévère, ce qui n’exclut pas la possibilité de cas extrêmement graves pouvant conduire parfois jusqu’à la mise en place d’assistance ventriculaire gauche. Il existe un certain nombre de biomarqueurs de cette pathologie, biomarqueurs très spécifiques (NT-Pro-BNP, 16kDA-prolactine, interféron γ, captepsine D, microRNA-146a) mais aucun n’a fait la preuve d’un rôle majeur dans la pathologie (25).

Traitement 
Les recommandations européennes viennent d’être de nouveau mises à jour en 2016 et font état d’un traitement de l’IC chronique extrêmement pointu (26). Pour respecter les recommandations dans le domaine du traitement, un certain nombre d’éléments liés au sexe avec une influence biologique importante, doivent être considérés car pouvant venir influencer la thérapeutique : l’âge, le statut hormonal, l’existence d’antécédents de grossesse, les conditions de vie, la qualité d’accès aux soins, la profession, les coûts de traitements, la localisation géographique et la culture ethnique (27).


            Traitement médicamenteux
Le traitement médical chronique est recommandé uniquement pour l’IC systolique et doit être le même pour les hommes que pour les femmes. L’impact qu’ont pu avoir ces recommandations sur la survie globale lors des dernières des décennies est bien établi par des courbes de survie s’améliorant au fil de l’introduction des différentes classes thérapeutiques depuis l’avènement des IEC en 1987 (28).

Toutefois en France, et malgré les mêmes recommandations, la prescription de la triple association de drogues recommandées (IEC, bêtabloquants et diurétiques) 30 jours après la sortie d’une hospitalisation pour IC, est extrêmement faible chez les hommes (37%) comme chez les femmes (35%) (8). Il n’empêche qu’adapter ces recommandations, basées sur des grands essais cliniques, à la population féminine reste largement peu validé puisque seulement 20 à 25 % des femmes sont incluses dans ces différents essais cliniques.
Ainsi, lorsqu’on étudie les méta-analyses des grands essais cliniques portant sur les IEC, on constate que l’impact de ce traitement dans la population féminine reste peu marqué puisqu’il apporte une réduction de mortalité de seulement 8 %, non significative (29). Par contre, les bêtabloquants conservent leur efficacité et ce, quel que soit le sexe (29).
La digoxine a fait également beaucoup parler d’elle avec une étude démontrant un sur-risque de mortalité chez les femmes traitées par digoxine (30). Cela est en fait lié à une sensibilité à la digoxine plus marquée chez la femme. Les concentrations sériques étaient plus élevées que celles de l’homme avec un produit devenant délétère au-dessus de 1 ng/ml (31). Ainsi, lorsqu’on cherche à obtenir une concentration de digoxinémie entre 0,5 et 1,1 ng/ml chez la femme, on voit disparaître l’effet toxique sur la mortalité et apparaît un effet favorable sur la réduction des hospitalisations pour IC, quelle que soit la fraction d’éjection ventriculaire gauche (32).
Au final, en matière de traitement médical, les IEC ont un effet moins favorable chez la femme que chez l’homme, les bêtabloquants ont un effet identique (à l’exception peut-être du métoprolol où l’effet chez la femme apparaît moins marqué) et il y a un effet important de la digoxine à prendre en compte en fonction de la concentration sérique plasmatique (14). Il n’y aurait pas de différence concernant les autres classes médicamenteuses recommandées, sous réserve encore une fois du faible nombre de femmes incluses dans les essais.

            Traitement électrique
En matière de traitement électrique, les femmes ont une réponse beaucoup plus favorable à la resynchronisation que les hommes (14,33). Par contre, l’implantation d’un défibrillateur ne semble pas apporter de bénéfice net (14,34).

            Traitement de l’IC à fraction d’éjection préservée
Comme nous l’avons vu, la femme est plus souvent concernée par l’IC à fraction d’éjection préservée. Malheureusement, dans cette pathologie, il n’existe aucune recommandation thérapeutique puisque l’ensemble des essais cliniques qui l’ont concernée, se sont tous avérés négatifs (26).

Conclusion
L’insuffisance cardiaque concerne la femme dans plus de 50 % des cas et souvent des femmes âgées. Elles souffrent surtout de cardiopathie hypertensive ou valvulaire sans oublier les problèmes spécifiques liés à la grossesse. La survie globale est néanmoins meilleure chez la femme avec un rôle possiblement cardioprotecteur des oestrogènes. Les recommandations thérapeutiques sont constituées de preuves nettement moins robustes pour leur application chez la femme.
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Hypertensions artérielles de la grossesse et devenir maternel 

un nouveau consensus


Professeur Claire Mounier-Vehier
Univ. Lille, CHU Lille, Médecine Vasculaire et HTA, Institut Cœur-Poumons - Lille
Présidente de la Fédération Française de Cardiologie (www.fedecardio.org)



Conflits d’intérêt : aucun avec le sujet de cet article




Les HTA de la grossesse sont une pathologie fréquente, notamment au cours de la première grossesse, symptômes tardifs (à partir du deuxième trimestre de la grossesse) d’un trouble de la placentation, survenant entre 12 et 16 semaines d’aménorrhée (SA). Il s’ensuit une dysfonction endothéliale généralisée avec des complications maternelles et fœtales, parfois létales. L’hypertension artérielle (HTA) au cours de la grossesse et en post-partum immédiat (6 semaines après l’accouchement) est définie par une pression artérielle systolique (PAS) ≥ 140 mm Hg ou une pression artérielle diastolique (PAD) ≥ 90 mm Hg. L’HTA, spécifiquement gestationnelle, survient pendant ou après la 20éme SA. La pré-éclampsie (PE) est l’apparition d’une HTA et d’une protéinurie après 20 SA (> 300mg/L). Le HELLP syndrome est une variante clinique de la PE mais le tableau est souvent incomplet et fruste au début. Il associe une hémolyse (H = Hemolysis), une cytolyse hépatique (EL = Elevated Liver enzymes) et une thrombopénie (LP =Low Platelets). Le HELLP syndrome est doté d’une lourde morbidité maternelle et fœtale. Il n’y a pas de traitement curatif de cette maladie vasculo-placentaire hormis l'interruption de la grossesse. Le traitement de l’HTA, au cours des 6 premiers mois de grossesse, cherche à éviter les complications maternelles de l’HTA, sans être délétère sur le développement foetal. L'objectif tensionnel est, pour toutes, une PAS inférieure à 160 mm Hg et une PAD comprise entre 85 et 100 mm Hg. A plus long terme, les sociétés savantes dont la Société française d’HTA et le Collège des gynécologues et obstétriciens français, considèrent la PE comme un facteur de risque spécifique d’HTA chronique, d'accidents coronaires, d'accidents vasculaires cérébraux, d'insuffisance rénale chronique et de mortalité cardio-neuro-vasculaire. Le risque de complications est d'autant plus important que la grossesse s'est compliquée d'accidents maternels et foetaux ou encore survenus précocement pendant la grossesse (avant 34 SA). Paradoxalement, l'information de ces femmes à risque est insuffisante par méconnaissance et par manque de sensibilisation des professionnels de santé. Leur éducation est donc un enjeu majeur de prévention, en développant des consultations d'information et d'annonce au décours de l'accouchement, en les incitant à optimiser leur hygiène de vie avec un suivi coordonné tout au long de leur vie. Dans cet objectif, et en partenariat avec le Collège national des gynécologues et obstétriciens français, la Société française d’hypertension artérielle vient de publier un consensus consacré aux hypertensions de la grossesse avec 22 recommandations. Très innovantes, celles-ci soulignent l’opportunité de mettre en place des parcours de soins structurés, qui outre le suivi de ces femmes à risque, visent à améliorer les pratiques des professionnels de santé.





Introduction
En France, les maladies cardio-neuro-vasculaires sont la première cause de décès chez les femmes (30,1% en 2008) (1). Pourtant, elles restent encore insuffisamment dépistées, traitées, suivies et ne sont pas correctement informées (2-4). Leur risque hormonal émergeant, incluant les hypertensions artérielles de la grossesse, n’est pas pris en compte dans les registres épidémiologiques ni dans les scores de risque classiques (2-6). Ces constats nous incitent à une prise de conscience sociétale avec la nécessité de conduire des travaux de recherche dédiés aux spécificités féminines du risque cardio-neuro-vasculaire (3).
La grossesse est, dans la majorité des cas, une situation physiologique de stress vasculaire (placentation) et métabolique (insulino-résistance) permettant la croissance fœtale harmonieuse. Certaines femmes, pour des raisons multifactorielles, vont répondre anormalement à ces mécanismes d’adaptation de la grossesse. Le primum movens est un défaut d’invasion trophoblastique des artères spiralées du myomètre avec la synthèse d’un placenta ischémique en stress oxydatif (7-13). Il s’en suit une dysfonction endothéliale maternelle généralisée, une insulino-résistance, un placenta de plus en plus hypoperfusé avec des répercussions sur la croissance fœtale. L’hypertension (HTA) gestationnelle et la pré-éclampsie sont ainsi des traductions cliniques tardives de cette dysfonction placentaire précoce (7,14).
La gravité potentielle des HTA gravidiques, pour la mère et pour l’enfant, le risque de récidive sur une grossesse ultérieure, ainsi que le risque pour la mère de développer à distance une HTA chronique ou une autre complication cardio-neuro-vasculaire nous incitent à uniformiser nos pratiques médicales. Dans cet objectif, la Société française d’hypertension artérielle et le Collège national des gynécologues et obstétriciens français viennent de  publier un consensus sur les HTA de la grossesse (15 ; téléchargeable sur www. sfhta.eu). Les experts : cardiologues, néphrologues, médecin généraliste et gynéco-obstétriciens ont souhaité mieux structurer le parcours de soins de la grossesse avec 22 recommandations sur les prises en charges et le suivi, pendant et au décours de la grossesse. Les points forts du consensus sont rapportés dans une première partie suivie d’un focus sur le devenir maternel à long terme.

Définitions
Selon le consensus français, l’hypertension artérielle au cours de la grossesse ou dans le post-partum immédiat (période couvrant les 6 semaines qui suivent l’accouchement) est définie comme suit  (15):
Zone de Texte: Définitions de l’HTA au cours de la grossesse
HTA lors de la grossesse PAS ≥ 140 mm Hg ou PAD ≥ 90 mm Hg
HTA légère à modérée PAS = 140-159 mm Hg ou PAD = 90-109 mm Hg
HTA sévère PAS ≥ 160 mm Hg ou PAD  ≥ 110 mm Hg
L’HTA au cours de la grossesse peut se présenter sous l’un des 3 aspects cliniques suivants : hypertension artérielle chronique (pré existante à la grossesse ou constatée avant la 20ème SA; hypertension artérielle gestationnelle sans élévation pathologique de la protéinurie (constatée après la 20ème SA) ; pré-éclampsie définie par une HTA (contrôlée ou non ; chronique ou non) associée à une protéinurie pathologique (> 300 mg/24h ou ratio protéinurie/créatininurie ≥ 30 mg/mmol) découverte après la 20ème SA. La pré-éclampsie est précoce lorsqu’elle survient avant 34 SA.
La pré-éclampsie est sévère lorsqu’elle est associée à une atteinte organique maternelle ou foetale sévère c’est à dire avec au moins l’un des critères suivants :
- une HTA sévère ;
- une atteinte viscérale définie par au moins l’un des critères suivants :
  • une oligurie inférieure à 500 ml par 24 heures, ou une créatininémie supérieure à 135 μmol/l, ou une protéinurie supérieure à 3 g par 24 heures ;
  • un œdème aigu du poumon ;
  • une douleur en barre épigastrique persistante ;
  • un HELLP syndrome (hémolyse intra-vasculaire, cytolyse hépatique et thrombopénie, en particulier < 100 000/mm3) ;
  • des signes neurologiques persistants (troubles visuels, céphalées, réflexes ostéo-tendineux vifs et polycinétiques, convulsions) ;
  • un hématome rétro-placentaire.
Les oedèmes ne sont plus un critère indispensable au diagnostic. Les formes sévères doivent faire l’objet d’une hospitalisation immédiate.
L’éclampsie est définie par une crise convulsive tonico-clonique dans un contexte de pathologie hypertensive de la grossesse.
Tous ces critères diagnostiques sont très tardifs dans l’histoire de la grossesse.

La présentation clinique et l’évolution de la pré-éclampsie sont aussi très variables, dépendant de la précocité d’apparition de celle-ci, de sa sévérité, de son évolution et de l’atteinte fœtale. Le praticien se trouve confronté à trois difficultés majeures : identifier les femmes à risque pour organiser le suivi le mieux adapté, prédire le risque de pré-éclampsie et prédire l’évolution défavorable d’une pré-éclampsie (pronostics maternel et fœtal). La recherche obstétricale s’efforce actuellement d’identifier de nouveaux marqueurs pronostiques (par exemple des facteurs angiogéniques), pouvant guider la prise en charge de ces grossesses à risque. La vigilance doit être aussi de mise dans le post partum immédiat car il s’agit d’une situation potentiellement instable où l’HTA peut apparaitre ou s’aggraver. L’hypertension de novo du post partum est plus fréquente entre le 3ème et le 6ème jour après l’accouchement. Une pré-éclampsie peut aussi survenir dans le post-partum immédiat. L’hypertension de la grossesse disparait le plus souvent après 6 semaines alors que l’hypertension artérielle associée à l’éclampsie sévère rétrocède en 3 à 6 mois (14).

Surveiller régulièrement la pression artérielle
En l’absence de trouble de placentation, la pression artérielle baisse physiologiquement au cours du 1er trimestre de la grossesse, est stable au cours du 2ème trimestre puis remonte à son niveau antérieur au cours du 3ème trimestre de la grossesse (16,17). Connaître la PA avant la grossesse est un enjeu majeur pour pouvoir différentier les HTA chroniques préexistantes des hypertensions gestationnelles, en raison d’un risque maternel différent. La PA des femmes hypertendues chroniques peut se normaliser au cours de la grossesse s’il n’y a pas de troubles de la placentation. Les traitements antihypertenseurs, adaptés au contexte de grossesse, pourront être réduits voir interrompus en début de grossesse sous couvert d’une surveillance manométrique. La PA sera mesurée en position assise, en milieu médical, après au moins 5 minutes de repos, avec un appareil électronique huméral homologué. En cas d’ HTA légère à modérée, l’HTA doit être confirmée par des mesures en dehors du cabinet médical (automesure selon « la règle des 3 » en utilisant un appareil huméral ; ou moyenne diurne de la mesure ambulatoire de PA (MAPA) sur 24 heures), pour s’affranchir d’un effet blouse blanche, fréquent chez la femme enceinte (18). Les valeurs de référence chez la femme enceinte sont beaucoup plus basses en ambulatoire qu’avec la simple mesure clinique (19). En tenant compte des recommandations antérieures (20), pour éviter tout sur-traitement, le consensus français considère comme pathologique une PAS ≥ 135 mm Hg ou une PAD ≥ 85 mm Hg au cours de la grossesse (15).

Surveiller la protéinurie
Le consensus français recommande de dépister une protéinurie par la bandelette ou de la doser par un recueil urinaire, au moins une fois par mois chez toute femme enceinte. Dans tous les cas, un résultat supérieur ou égal à 1+ à la bandelette urinaire nécessite une confirmation au laboratoire sur un échantillon matinal urinaire (rapport protéinurie/créatininurie) ou sur un recueil urinaire des 24 heures. Une protéinurie supérieure à 300 mg/24h ou un ratio protéinurie/créatininurie ≥ 30 mg/mmol (ou ≥ 300 mg/g) sont pathologiques. Découverte après la 20ème SA, elle définit la pré-éclampsie chez une femme hypertendue (15).

Comment traiter les HTA au cours de la grossesse ?
Le traitement repose sur des mesures hygiéno-diététiques spécifiques et, dans certains cas, sur un traitement pharmacologique prescrit à doses très progressives, la perfusion placentaire n’étant pas autorégulée. Une baisse trop importante ou trop rapide de la PA pourrait compromettre la croissance fœtale. L’objectif du traitement pharmacologique de l’HTA est de réduire le risque d’accidents cardio-neuro-vasculaires maternels en présence d’une HTA sévère (21). Le régime alimentaire sera normosodé et les apports hydriques doivent être modérés (22). En cas de pré-éclampsie sévère, l’hypovolémie « relative » classiquement décrite chez ces femmes ne doit pas être compensée par un remplissage vasculaire important (23). Une activité physique modérée aérobique au cours de la grossesse ne modifie pas le risque de pré-éclampsie (24). Il n’existe pas de données suffisantes pour recommander le repos au lit ou une réduction de l’activité physique dans le but de prévenir la pré-éclampsie chez les femmes à risque modéré (25). Le groupe d’experts français, préconise de traiter toutes les HTA sévères. Dans cette situation, le niveau manométrique est à lui seul porteur d’un risque élevé, en particulier d’accident vasculaire cérébral. Chez les patientes ayant une HTA légère à modérée, il est suggéré d’initier un traitement antihypertenseur dans un contexte plus global de risque cardio-vasculaire élevé ; celui-ci est défini par des antécédents personnels cardio-vasculaires, une association de plusieurs facteurs de risque cardio-vasculaire, une maladie rénale ou encore un diabète pré gestationnel (15). Sur la base des informations du centre de référence des agents tératogènes (CRAT.fr), le traitement pharmacologique repose sur quatre molécules en 1ère intention (classés par ordre alphabétique): alpha méthyldopa, nicardipine, nifédipine, labétalol. Le choix de la molécule se fera en fonction du terrain. Toutefois une réserve doit être soulignée pour la nifédipine, bien que cette molécule ne soit plus utilisée couramment en France.

Le résumé des caractéristiques (RCP) de la nifédipine, mis à jour en juillet 2014, par l’Agence Nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, a notifié des mises en garde spéciales et précautions d'emploi pour la femme enceinte : « Les études réalisées chez l'animal ont mis en évidence un risque tératogène et fœtotoxique de la nifédipine. En clinique, aucun effet malformatif ou fœtotoxique n'est apparu à ce jour. Toutefois, le suivi de grossesses exposées à la nifédipine est insuffisant à ce jour pour pouvoir exclure tout risque. En conséquence, l'utilisation de la nifédipine est déconseillée pendant la grossesse et chez les femmes en âge de procréer n'utilisant pas de mesure contraceptive. Toutefois, la découverte d'une grossesse sous nifédipine n'en justifie pas l'interruption. En cas d'exposition au premier trimestre de la grossesse, une surveillance prénatale orientée sur le cœur et le squelette peut être envisagée (http://agence-prd.ansm.sante.fr) ». Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion, les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II et l’aliskiren ne doivent pas non plus être utilisés quel que soit le trimestre de la grossesse et sont contre-indiqués au 2ème et 3ème trimestres de grossesse car ils sont foetotoxiques (25). S’appuyant sur les résultats la seule étude d’intervention randomisée, l’étude CHIPS (27), le consensus Français propose comme objectif tensionnel sous traitement une PAS inférieure à 160 mm Hg et une PAD comprise entre 85 et 100 mm Hg. Les auteurs de CHIPS ont démontré qu’il n’y avait pas d’intérêt à baisser drastiquement la PAD chez des patientes enceintes ayant une HTA préexistante à la grossesse ou une HTA gravidique, sauf si la femme était à très haut risque (15).




Le devenir à long terme : un risque à surveiller !
La pré-éclampsie est une pathologie spécifique de la femme due à un défaut de placentation. Le pronostic vital maternel ou fœtal peut être sombre en l’absence de prise en charge coordonnée en centre spécialisé. Le seul traitement curatif est le retrait du placenta ischémié lors de l’accouchement. Hormis les traitements antihypertenseurs, les autres traitements préventifs des complications de la PE associent l’aspirine et le sulfate de magnésium. Sans être détaillés dans cet article, leurs indications sont clairement précisées dans le consensus français dans recommandations « 11, 15 et 16 » (15).
A plus long terme, ces femmes gardent un risque résiduel significatif (8,28,29) avec une surmortalité cardio-neuro-vasculaire (30). Le risque relatif de développer une HTA est multiplié par 4; le risque de diabète et de syndrome métabolique, multiplié par 3 ; le risque de coronaropathie et d’accident vasculaire cérébral, multiplié par 2 (30). Le risque d’accident et de décès cardio-neuro-vasculaires est d’autant plus important que la grossesse s’est compliquée d’accidents maternels et fœtaux ou encore que ceux-ci sont survenus précocement, avant 34 SA (29,31,32). La récurrence des pré-éclampsies est également associée à un sur-risque d’insuffisance rénale chronique (29).
Selon la plupart des auteurs, il y a un véritable continuum du risque CV et métabolique chez la femme. La dysfonction endothéliale et le syndrome métabolique sont communs à la pré-éclampsie et la ménopause (7,13,34-37). Durant la grossesse, la femme présente physiologiquement un profil métabolique « pro-athérogène ». Cet état se traduit par une hypercoagulabilité, une augmentation de l’activité inflammatoire, un débit cardiaque élevé suivie d’une insulino-résistance et d’une hyperlipémie. Lors de chaque grossesse, la femme a une élévation « physiologique » de son risque vasculaire et métabolique. Les femmes, ayant une pré-éclampsie, ont une réponse exacerbée et leur risque résiduel reste supérieur à celui d’une femme ayant eu une grossesse « normale ». En cas de récidive d’une pré-éclampsie, le risque résiduel est, après chaque épisode, un peu plus élevé. Il y a ainsi une sorte de « mémoire additionnelle » du risque (33,36).
A partir des revues Pubmed, Embase et Cochrane et l’analyse de larges cohortes rétrospectives et prospectives, d’études « cas contrôle » et de méta-analyses, les experts des sociétés savantes considèrent désormais les HTA de la grossesse comme une situation à risque cardio-neuro-vasculaire à part entière (2,4,12). La meilleure compréhension de la physiopathologie de la pré-éclampsie permet aussi de mieux sensibiliser les professionnels de santé sur la nécessaire prise en compte des antécédents obstétricaux pour optimiser le dépistage et la prévention chez ces femmes sur le long terme (2,4,12,31-33). Dans tous les cas, les mesures d’hygiène de vie doivent être mises en place le plus tôt possible: alimentation équilibrée, réduction du poids, arrêt du tabac, activité physique régulière, gestion du stress. Le contrôle des facteurs de risque traditionnels est un autre impératif dans cette démarche préventive (37). Plus récemment, le consensus français préconise des actions, innovantes pour certaines, pour optimiser le suivi au décours de l’accouchement. Il faut retenir principalement (15) :
- la remise aux patientes, à la sortie de la maternité, d’un courrier avec des explications sur la pré-éclampsie, les traitements en cours et les modalités de suivi tensionnel;
-  la « consultation d’information et d’annonce » dans les 2 mois du post-partum ;
- la réalisation d’un bilan à la recherche d’une cause curable d’HTA, 4 à 6 mois après l’accouchement ;
- la préparation d’une nouvelle grossesse avec les objectifs suivants: contrôler les facteurs de risque de la pré-éclampsie ; évaluer le contrôle de l’HTA ; substituer les traitements tératogènes ; différer une nouvelle grossesse si l’HTA n’est pas équilibrée ; remettre un carnet de suivi spécifique « HTA et grossesse » ;
- l’optimisation du dépistage et du contrôle des facteurs de risque dans le suivi à plus long terme, en particulier au moment de la ménopause ;
Les propositions du consensus français (15) et des recommandations internationales sont légitimes car la prévention et la prise en charge de ces femmes à risque restent très insuffisantes (28). Les professionnels de santé sont encore peu informés sur les spécificités féminines du risque cardio-neuro-vasculaire et les facteurs de risque émergeants.
La recherche des antécédents obstétricaux doit désormais faire partie de l‘interrogatoire de toute femme à risque. L’éducation précoce des femmes est un autre enjeu majeur de santé publique (2,4,7,12,31). La mise en place de parcours de soins dédiés, avec le médecin généraliste comme coordonnateur, devrait permettre d’améliorer nos pratiques, en s’appuyant sur une prise en charge plus globale de la santé des femmes. La médecine du travail et les planning familiaux doivent être impliqués dans cette démarche préventive en réseau, car ce sont souvent les seuls acteurs consultés par les femmes en précarité (1,34,37-41).

Conclusion
Les HTA de la grossesse dont la pré-éclampsie sont des pathologies spécifiques de la femme. Elles sont considérées, par les sociétés savantes, comme des facteurs de risque cardio-neuro-vasculaires à part entière. La grossesse est une véritable opportunité de dépistage de ces femmes à risque, ayant parfois décroché d’un suivi coordonné préventif, par manque de temps ou par précarité sociale (34). L’accompagnement plus structuré de ces femmes aux antécédents de PE devrait permettre de limiter les répercussions délétères de la «transition métabolique et vasculaire » de la péri-ménopause (42-44). La femmes, les professionnels de santé et les tutelles doivent être informés de ces spécificités hormonales du risque cardio-neuro-vasculaire pour s’impliquer ensemble dans une démarche citoyenne de prévention indispensable en termes d’économie de la santé (1-3,4,37,41,44).

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Maladie coronaire chez la femme
Christian Spaulding
Hôpital Européen Georges Pompidou, Centre d’expertise de la mort subite, INSERM U 970, Université Paris Descartes, Paris





Même si l’incidence de la maladie coronaire est plus faible chez les femmes par rapport aux hommes, le taux de mortalité est plus élevé. Le diagnostic de maladie coronaire et notamment le syndrome coronarien aigu est plus difficile chez la femme en raison de symptômes atypiques. Les femmes présentant un infarctus sont en général plus âgées ; cependant la fréquence de l’infarctus du myocarde croit chez les femmes jeunes en raison de l’augmentation du tabagisme dans ce sous-groupe. Les femmes présentent des lésions coronaires moins sténosantes et moins diffuses mais ont plus souvent des symptômes d’angor. Les facteurs de risque cardiovasculaire classiques ont plus de poids chez la femme sur la survenue d’évènements intercurrents graves. Des mesures de prévention primaire orientées spécifiquement vers les femmes sont nécessaires. De même des études réalisées uniquement chez les femmes doivent être programmées pour mieux comprendre les paradoxes de la maladie coronaire chez la femme. Enfin, les professionnels de santé doivent savoir que le diagnostic de pathologie coronaire est plus difficile chez la femme, afin de détecter précocement cette maladie avant la survenue d’évènements aigus.


Introduction
Même si l’incidence de la maladie coronaire est plus fréquente chez les hommes que chez les femmes, la mortalité cardiovasculaire est plus élevée chez les femmes que chez les hommes. Les maladies cardiovasculaires sont la première cause de décès chez la femme devant le cancer du sein (1,2). C’est donc un problème de santé publique, qui nécessite des mesures de prévention spécifiques.

La fréquence de la maladie coronaire est moindre chez la femme mais la mortalité est plus importante !
En Ile de France, les données prehospitalières et hospitalières des syndromes coronaires aigus avec sus-décalage du segment ST (STEMI) sont recueilles dans le registre e-MUST. Entre 2006 et 2010, 5840 hommes (78.9%) et 1557 femmes (21.1%) ont été inclus (3). Les femmes sont plus âgées (72.1 ans [58.3 – 81.5] vs. 58.0 ans [50.1-67.8], p <.0001). La mortalité intra-hospitalière est plus élevée chez les femmes: 254 (4.4%) vs. 143 (9.4%), p<.0001. Le délai entre le début de la douleur thoracique et l’appel au SAMU est plus long chez les femmes (1.3 heures [0.5-3.3] vs. 0.9 [0.4-2.4], p<.0001). Après des ajustements qui prennent notamment en compte cette différence de prise en charge et l’âge, la mortalité reste plus élevée chez la femme, sans explication nette.

Moins de lésions coronaires significatives à la coronarographie mais une mortalité plus élevée
Chez la femme, l’athérome se répartit de façon plus homogène dans les artères coronaires donnant lieu à un remodelage concentrique alors que l’atteinte « masculine » se caractérise par des sténoses plus focales et significatives (4,5). De plus, les femmes présentent de façon plus fréquente une dysfonction microvasculaire entrainant une ischémie sous-endocardique même en l’absence de lésions coronaires significatives (5).
Dans l’étude WISE (Women’s Ischemia Syndrome Evaluation Study), la mesure de la réserve du flux coronaire montre une vasoréactivité anormale chez les femmes avec des syndromes angineux sans lésions significatives à la coronarographie. (6).
Les syndromes coronariens aigus sans sténoses significatives se rencontrent plus souvent chez la femme que chez l’homme (7). Même si les femmes présentant un syndrome coronaire aigu ont des lésions coronaires moins étendues, moins sténosantes et plus diffuses comparée aux hommes, le taux de mortalité et taux d’événements coronariens en l’absence de lésions coronaires obstructives sont plus élevée chez les femmes. Les érosions de plaque sont plus souvent rencontrées chez les femmes jeunes fumeuses avec des syndromes coronariens aigus. (8,9). Une dissection spontanée d’une artère coronaire, cause rare de syndrome coronaire aigu, se voit dans 90% des cas chez des femmes d’environ 50 ans sans facteurs de risque. Ce syndrome est probablement lié à la dysplasie fibromusculaire qui se manifeste surtout chez les femmes. (10). Enfin le spasme coronaire est plus fréquent chez la femme, notamment les fumeuses. Ces différences liées au sexe dans la physiopathologie et la progression de la maladie coronaire à un âge moyen sont encore mal comprise et nécessite des études spécifiquement ciblés  chez la femme.

Plus de symptômes d’angor malgré une fréquence moindre de lésions coronaires significatives
Dans la maladie coronaire stable, les symptômes d’angine de poitrine sont plus fréquents chez la femme que chez l’homme même en l’absence de sténose coronaire significative, ce qui mène souvent à des hospitalisations et des coronarographies répétées (11). Cependant, le pronostic des femmes avec un angor et sans lésions coronaires significatives est influencé par le nombre de facteurs de risque cardiovasculaires. Les femmes avec un angor et des lésions coronaires non significatives (< 50%) ont un risque à 5 ans d’avoir un évènement coronarien  de 50 % supérieur à celles qui ont un angor sans aucune lésion coronaire (8). De plus, ce risque est pratiquement doublé pour chaque facteur de risque additionnel (diabète, hypertension….) (8). La découverte de lésions coronaires non significatives chez la femme doit être une opportunité de mettre en place un dépistage et un traitement des facteurs de risque de la maladie coronaire.

Les mêmes facteurs de risque que les hommes mais avec un poids plus important sur la survenue d’événements intercurrents graves.
Hommes et femmes partagent les mêmes facteurs de risque cardiovasculaires « classiques » : diabète, hypertension, hypercholestérolémie, tabagisme, mais ceux-ci ont un poids différent chez les femmes (13,14). Fumer a un effet particulièrement délétère chez les jeunes femmes avec une augmentation du risque de maladie coronaire de 60% par rapport aux hommes, notamment chez les femmes prenant des contraceptifs oraux (15). L’hypertension artérielle est plus fréquente chez les femmes âgées et avec une plus grande fréquence d’accidents vasculaires cérébraux, d’hypertrophie ventriculaire gauche, ou d’insuffisance cardiaque à fonction préservée. Le diabète de type 2 s’accompagne aussi d’un risque de complication cardiovasculaire supérieure chez les femmes. Une méta analyse reprenant 37 études montrent que le risque de décès coronarien est de 50% supérieur chez les femmes diabétiques par rapport aux les hommes (16). Les raisons de ces excès de mortalité sont multiples: des lésions athéromateuses plus diffuses, une atteinte vasculaire plus importante, un traitement moins agressif du diabète… Chez les jeunes femmes, la prévalence de l’hypercholestérolémie est moindre que chez les hommes, mais au-dessus de 65 ans ce rapport s’inverse. L’hypertriglycéridémie et un taux bas de cholestérol HDL sont des facteurs de risque plus important chez la femme que chez l’homme. Dans le syndrome métabolique, le risque relatif d’une résistance à l’insuline, d’une hypertension, de la CRP-HS (C réactive protéine ultrasensible) est plus important chez la femme que chez l’homme.


L’augmentation du risque cardiovasculaire en post ménopause a longtemps été attribuée à la perte de l’effet protecteur des œstrogènes. Les œstrogènes circulant ont un effet régulateur sur les lipides, les marqueurs inflammatoires, la coagulation et un effet vasodilatateur direct sur la paroi vasculaire. Il paraissait donc logique de proposer une substitution hormonale en post ménopause pour réduire le risque cardiovasculaire. Malheureusement de grandes études randomisées n’ont pas confirmé ce bénéfice (17). D’autres études ont même démontré une augmentation du risque cardiovasculaire chez les femmes de plus de 60 ans recevant une thérapie hormonale en post ménopause (18). Une monothérapie par œstrogènes, plutôt qu’un traitement combiné, aurait un rôle protecteur d’un point de vue cardiovasculaire chez les femmes entre 50 et 59 ans (19). Son utilisation pour la prévention cardiovasculaire primaire ou secondaire n’est donc pas recommandée dans la population générale. Néanmoins, la substitution hormonale peut offrir d’autres bénéfices en post ménopause c’est pourquoi son utilisation doit être discutée au cas par cas.
Le stress, la dépression et l’anxiété sont associées avec un risque cardiovasculaire plus important chez les femmes que chez les hommes. La cardiomyopathie de stress est 9 fois plus fréquente chez les femmes. La surcharge pondérale ou l’obésité comme le manque d’une activité physique régulière sont également des facteurs qui accentuent le risque cardiovasculaire. Les maladies auto-immunes sont aussi plus fréquemment associées à une maladie cardiovasculaire chez les femmes que chez les hommes. Le risque cardiovasculaire est aussi plus important chez les femmes traitées par radiothérapie pour un cancer du sein
Certains facteurs de risque sont spécifiques aux femmes. La survenue d’une pré-éclampsie ou d’un diabète durant la grossesse favorise la survenue de maladies cardiovasculaires à long terme. Il en est de même pour les femmes ayant un syndrome des ovaires polykystiques ou une ménopause précoce.

Diagnostic de la maladie coronaire chez la femme : des difficultés liées aux symptômes atypiques
Comme nous l’avons vu précédemment, les symptômes sont souvent atypiques surtout chez les femmes en dessous de 55 ans. Or celles-ci ont la réputation d’être relativement protégées contre les maladies cardiovasculaires. Les différences dans la progression de l’athéromatose entre les femmes et les hommes peuvent expliquer en partie ces présentations plus atypiques. Lorsque la maladie progresse avec l’âge vers des lésions coronaires plus obstructives, les symptômes deviennent plus typiques et se rapprochent de ce que l’on observe chez l’homme.
L’épreuve d’effort simple a une moins bonne valeur diagnostique chez la femme que chez l’homme. Un examen d’imagerie (par exemple une scintigraphie) peut augmenter la performance diagnostique de la maladie coronaire chez la femme. Enfin, la coronarographie peut être prise en défaut. Les femmes peuvent avoir une vasoréactivité coronaire anormale qui contribue à la symptomatologie alors qu’elles n’ont pas de sténoses coronaires ou des sténoses non significatives.

Le même traitement mais des effets secondaires plus importants
Les femmes bénéficient autant des thérapeutiques de reperfusion (angioplastie ou thrombolyse) dans le syndrome coronaire aigu avec sus-décalage du segment ST. Malheureusement, des registres montrent que les femmes présentent un délai à la reperfusion (3) et bénéficient moins souvent d’une coronarographie ou d’une angioplastie (20). Les femmes bénéficient autant que les hommes du traitement médical (bêtabloquants, statines, antiaggrégants plaquettaires, anticoagulants) mais sont souvent moins bien traités que les hommes (20). Cependant, une augmentation des complications hémmoragiques est retrouvée dans de nombreux registres sur les syndromes coronaires aigus où les patients sont traités par anticoagulants et une double antiaggrégation plaquettaire (3). .Les femmes bénéficient également de la réadaptation cardiaque après un évènement aigu.



Comment réduire la mortalité liée à la maladie coronaire chez la femme ?
Une éducation du public est nécessaire afin de faire connaître l’existence de la maladie coronaire chez la femme et ses symptômes afin de permettre un diagnostic précoce avant la survenue d’évènements graves, et une prise en charge rapide en cas d’occlusion coronaire. Les médecins, notamment les urgentistes et les cardiologues doivent tenir compte de l’atypie des symptômes chez la femme dans leur démarche diagnostic. L’imagerie (scintigraphie, échographie ou IRM de stress) doit être préférée à l’épreuve d’effort lors de la recherche d’une ischémie myocardique. La lutte contre le tabagisme chez les jeunes femmes doit être intensifiée. Enfin, des programmes de recherche fondamentale doivent être crées pour mieux comprendre les particularités de la maladie coronaire chez la femme, et des études cliniques de prévention et de traitement doivent être réalisés soit spécifiquement chez la femme, soit en prévoyant une population suffisamment grande pour permettre des études de sous-groupe chez la femme (21, 22).


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